« Je continue à me battre, mais je ne peux pas le faire seul. »

Par Adams Emmanuel Milhomme, médecin au SSPE de Saint-Marc, programme TB/VIH de Zanmi Lasante

20 juin 2025

Je suis Adams Emmanuel Milhomme, médecin et assistant manager au sein du programme TB/VIH de Zanmi Lasante à Saint-Marc. Mon travail, c’est soigner, accompagner, écouter. Mais aujourd’hui, être médecin en Haïti, c’est aussi faire face chaque jour à une réalité de plus en plus éprouvante.

La crise que traverse le pays nous rattrape à tous les niveaux. L’insécurité, la vie chère, l’instabilité… Même se déplacer pour aller voir sa famille devient un danger. Je vis loin des miens, et chaque appel de ma mère me ramène à la même demande : « Quitte la zone. Protège-toi. » Mes proches ont peur. Ils me conseillent de partir, de me préserver. Je les comprends. Mais ce n’est pas si simple quand on a fait le choix de servir.

Sur le terrain, l’impact est brutal. De nombreuses zones sont devenues inaccessibles, nos patients ne peuvent plus toujours se rendre aux rendez-vous. Les activités communautaires sont suspendues. Et nous, soignants, continuons tant bien que mal, entre fatigue, frustration et un profond sentiment d’impuissance.

Adams

Je ne vais pas mentir : j’ai peur, moi aussi. Après ce qui s’est passé à Mirebalais, comment ne pas l’être ? Les rumeurs, les menaces, le climat de tension permanente… Et pourtant, chaque jour, on reprend la route, on entre en salle de consultation, on tend la main. Parce qu’on sait pourquoi on est là. Parce qu’on sait que, malgré tout, on fait une différence.

Mais il faut aussi dire ce que beaucoup n’osent pas toujours exprimer : nous avons besoin de soutien. Nous sommes nombreux à tenir à bout de bras, à sacrifier notre équilibre personnel, notre santé mentale. Certains collègues ont déjà quitté le pays. D’autres ont tout simplement abandonné, faute de moyens ou d’espoir. Ceux qui restent méritent d’être vus, écoutés, soutenus.

C’est un appel que je lance à toutes celles et ceux qui nous soutiennent, ici comme ailleurs. Les soignants en Haïti continuent de tenir debout, parfois dans des conditions extrêmes. Mais pour poursuivre cette mission, nous avons besoin de plus que du courage.


Nous avons besoin de ressources humaines, de soutien psychologique, de moyens pour préserver notre propre équilibre. Car prendre soin de nous, c’est aussi garantir la qualité des soins que nous offrons aux autres. Nous ne pouvons pas porter seuls le poids de cette crise. Votre appui peut faire toute la différence.


Derrière chaque professionnel de santé qui tient bon, il y a un système fragile qu’il faut renforcer. Aujourd’hui plus que jamais, votre soutien est essentiel.
Faites un don. Soutenez les soignants. Aidez-nous à tenir.