L’urgence de maintenir les investissements en santé publique en Haïti

Préserver des décennies de progrès face aux menaces de désinvestissement en Haïti.

Published on
février 4, 2025

* English version below 

Chers supporteurs de Zanmi Lasante,

J’ai passé une partie du mois de Janvier à visiter nos établissements dans le Plateau Central et le Bas-Artibonite. Ces visites sont une part essentielle de mon travail—elles me permettent d’évaluer nos progrès, d’identifier les points à améliorer et d’échanger directement avec le personnel et les patients qui donnent vie à notre mission. De nos programmes de santé maternelle, de lutte contre la malnutrition et des soins d’urgence aux traitements du VIH, de la tuberculose et du cancer, j’ai pu constater à la fois l’impact de nos interventions et les défis qu’il nous reste à relever.

Des patients qui autrefois faisaient face à une mort certaine sont aujourd’hui en vie—recevant des traitements vitaux, soutenus par nos agents de santé communautaire et retrouvant l’espoir qu’ils avaient perdu. Ces succès sont le fruit de décennies d’engagement, rendus possibles grâce au soutien indéfectible de partenaires comme les Centres de contrôle et de prévention des maladies des États-Unis (CDC) et le Plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida (PEPFAR). Pourtant, ces avancées sont aujourd’hui menacées.

Zanmi Lasante est le principal fournisseur de soins de santé en Haïti après le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP). Depuis le lancement en 1998 de l’un des premiers programmes mondiaux de thérapie antirétrovirale (ART) dans un contexte de ressources limitées, nous avons démontré que traiter le VIH dans les pays pauvres n’est pas seulement possible, mais essentiel. Aujourd’hui, nos 12 sites de prise en charge du VIH sont une bouée de sauvetage pour des milliers de personnes, contribuant à l’atteinte des objectifs 95-95-95 de l’ONUSIDA. Dans le Plateau Central, nous avons déjà dépassé deux de ces objectifs—garantissant que presque toutes les personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut et que chaque patient diagnostiqué reçoive un traitement. Dans nos deux régions d’intervention, nous continuons à améliorer les taux de suppression virale, à prévenir la transmission mère-enfant et à élargir l’accès à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) pour les populations à risque.

Rien de tout cela ne serait possible sans le soutien durable du PEPFAR, du Fonds mondial et d’autres partenaires clés. Ces investissements nous ont permis d’intégrer les soins cliniques à un soutien social essentiel, veillant à ce que nos patients ne reçoivent pas seulement des médicaments, mais aussi une assistance alimentaire, un soutien au logement, la prise en charge des frais de scolarité et des aides pour le transport. Le pilier de notre réussite reste notre réseau d’agents de santé communautaire—accompagnateurs—qui assurent un suivi à domicile, renforcent l’adhésion aux traitements et apportent les soins jusque dans les zones les plus reculées.

Au-delà de la prise en charge du VIH, ces investissements ont renforcé l’ensemble de notre système de santé, améliorant les services en santé maternelle, nutrition, pédiatrie et maladies non transmissibles. Notre approche intégrée garantit que chaque programme bénéficie des infrastructures, des formations et des ressources humaines mises en place grâce à des décennies d’investissement dans la lutte contre le VIH. Une réduction du financement ne se limiterait pas aux traitements du VIH ; elle aurait un effet domino sur tous nos services, compromettant l’accès aux soins pour des milliers de patients qui dépendent de nos hôpitaux et cliniques pour survivre.

Pourtant, à un moment où nous devrions redoubler d’efforts, nous sommes confrontés à la menace dévastatrice d’une réduction des financements essentiels. Un éventuel retrait du soutien du PEPFAR ne serait pas qu’une simple décision administrative ; ce serait une menace directe pour la vie de milliers d’Haïtiens. Cela mettrait en péril deux décennies de progrès, limiterait l’accès aux traitements et freinerait les efforts mondiaux pour contrôler le VIH. Pire encore, cela risquerait d’effondrer un système de santé déjà fragile, aggravant l’impact des crises que traverse Haïti—insécurité, instabilité économique et exode des professionnels de santé.

Soyons clairs : ce n’est pas seulement une question haïtienne. C’est un enjeu mondial de santé et de droits humains. Haïti a prouvé au monde entier ce qui est possible en matière de prise en charge du VIH, influençant les politiques et inspirant des initiatives similaires à l’échelle internationale. Les leçons tirées ici ont façonné les stratégies mondiales, guidé les politiques internationales et démontré que l’accès universel aux traitements du VIH est à la fois réalisable et nécessaire. Abandonner ces progrès aujourd’hui serait une injustice, non seulement envers le peuple haïtien, mais envers tous ceux qui ont œuvré pour rendre ces soins vitaux accessibles.

J’appelle les décideurs américains à prendre la mesure de ce moment critique et à faire le bon choix. Réduire le financement des programmes de lutte contre le VIH en Haïti serait catastrophique—non seulement pour les individus directement affectés, mais aussi pour la lutte mondiale contre cette épidémie. Nous avons trop avancé pour faire marche arrière. Le monde a une obligation morale de protéger les acquis et de garantir que l’accès aux soins ne soit pas déterminé par la géographie ou la situation économique.

Chez Zanmi Lasante, nous restons déterminés à poursuivre notre mission. Nous continuerons à plaider, innover et avancer, quels que soient les défis. Mais nous ne pouvons pas y arriver seuls. Plus que jamais, nous avons besoin de la communauté internationale à nos côtés. Nous avons besoin que nos soutiens fassent entendre leur voix. Et nous avons besoin que les décideurs réaffirment leur engagement envers la santé en tant que droit humain fondamental.

Nous n’abandonnerons pas. Avec le bon soutien, nous continuerons à sauver des vies.

 

Wesler Lambert MD, MPH

Directeur Exécutif

 

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Protecting Progress: The Urgent Need to Sustain Public Health Investments in Haiti

 

Dear ZL supporters,

I’ve spent part of the month  of January visiting our facilities in the Central Plateau and Lower Artibonite regions. These visits are a core part of my work—allowing me to assess our progress, identify areas for improvement, and engage directly with the staff and patients who make our mission a reality. From our maternal health, malnutrition, and emergency care programs to HIV, tuberculosis, and cancer care, I saw firsthand both the impact of our interventions and the challenges we must continue to address.

Patients who once faced certain death are now thriving—receiving lifesaving treatment, supported by dedicated community health workers, and regaining the hope they once lost. These successes are the result of decades of commitment, fueled by the unwavering support of partners like the U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC) and the President’s Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR). But today, this progress stands on fragile ground.

Zanmi Lasante is the leading healthcare provider in Haiti after the Ministry of Public Health and Population (MSPP). Since launching one of the world’s first programs to provide antiretroviral therapy (ART) in a resource-limited setting in 1998, we have defied expectations and demonstrated that treating HIV in poor countries is not only possible but essential. Today, our 12 HIV care sites serve as a lifeline for thousands, driving progress toward the UNAIDS 95-95-95 targets. In the Plateau Central, we have already surpassed two of these milestones—ensuring that nearly all people living with HIV know their status and that every diagnosed patient receives treatment. Across both regions, we continue to strengthen viral suppression rates, prevent mother-to-child transmission, and expand access to pre-exposure prophylaxis (PrEP) for at-risk populations.

None of this would be possible without the longstanding support of PEPFAR, the Global Fund, and other key partners. These investments have allowed us to integrate clinical care with vital social support, ensuring that patients not only receive medication but also food assistance, housing support, school fees, and transportation stipends. The backbone of our success is our network of community health workers—accompagnateurs—who provide in-home support, reinforce adherence to treatment, and extend care to even the most remote communities.

Beyond HIV care, these investments have strengthened our entire health system, reinforcing services across maternal health, nutrition, pediatrics, and non-communicable diseases. Our integrated approach ensures that every program benefits from the infrastructure, training, and human resources built through decades of HIV investments. A reduction in funding would not only impact HIV treatment but would ripple across all of our services, limiting access to care for thousands of patients who rely on our hospitals and clinics for survival.

Yet, at a time when we should be redoubling our efforts, we are instead facing the devastating possibility of losing critical funding. The potential rollback of PEPFAR support is not just a bureaucratic decision; it is a direct threat to the lives of thousands of Haitians. It risks undoing two decades of progress, jeopardizing the ability of patients to access treatment, and setting back global efforts to control HIV. Moreover, it threatens to overwhelm an already fragile health system, exacerbating the impact of Haiti’s ongoing crises—including insecurity, economic instability, and the emigration of trained healthcare workers.

Let me be clear: This is not just a Haitian issue. This is a global health and human rights concern. Haiti has been a proving ground for what is possible in global HIV care, influencing policies and inspiring similar initiatives worldwide. The lessons learned here have shaped international strategies, informed global policy, and demonstrated that universal HIV treatment is both feasible and necessary. To abandon this progress now would be an injustice not only to the people of Haiti but to all those who have fought to make lifesaving HIV care a reality.

I call upon U.S. policymakers to recognize the weight of this moment and to make the right decision. Cutting funding for HIV programs in Haiti would be catastrophic—not just for the individuals directly affected but for the global fight against this epidemic. We have come too far to turn back now. The world has a moral obligation to protect the gains we have made and to ensure that access to lifesaving care is not determined by geography or economic status.

At Zanmi Lasante, we are committed to our mission. We will continue to advocate, innovate, and push forward, no matter the challenges. But we cannot do this alone. Now, more than ever, we need the international community to stand with us. We need our supporters to raise their voices. And we need decision-makers to reaffirm their commitment to health as a fundamental human right.

We will not turn back. With the right support, we will continue saving lives.

 

Wesler Lambert MD, MPH

Executive Director